Beschreibung:

ARAGON (Louis). Lettre autographe signée à Denise Kahn. Paris, janvier 1924. 4 pp. in-8. « ... On vous aura dit LE BANQUET LOUIS DE GONZAGUE-FRICK [le poète Louis de Gonzague-Frick avait présidé le 12 janvier 1924 à la Closerie des lilas un banquet en l'honneur du poète symboliste Paul-Napoléon Roinard], et madame Aurel [la femme de lettres et salonnière Aurélie de Faucamberge dite madame Aurel], etc. Moi, je n'avais pas voulu rester, ce n'était pas possible ce jour-là de supporter les imbéciles, ni de les engueuler, ni même de supporter mes amis en bande. Tout le monde a très mal pris ça, on n'aime guère ces manières de lâcheur. Cependant j'avais de bonnes raisons... quelles raisons au fait, je vous demande un peu lesquelles ? Bah j'ai oublié. Mais de bonnes raisons, de bonnes raisons assez mauvaises. Drôle de soirée qui s'en est suivi[e] : le lundi Paris a une figure hypocrite. J'ai été, au fait, vais-je vous dire où j'ai été ? Cela ne vous fait rien de rien. À Minuit, NOLL M'A RETROUVE AU NAPOLITAIN, FABRIQUANT DE PETITS POEMES DU GENRE CONNU [l'écrivain et journaliste Marcel Noll, qui rencontra le groupe d'André Breton par Denise Kahn qui l'avait connu à Strasbourg]. Tout feu, tout flammes. Il était ravi de sa soirée, "Tu as tort de ne pas rester". Peut-être que j'ai eu tort de ne pas rester. C'est depuis ce soir-là que j'ai cette manie d'avoir tout le temps quelqu'un avec moi. Ç'aura été le seul événement de la semaine, imaginez-vous. Les autres jours se sont traînés, traînés. LIMBOUR A REPARU [l'écrivain et critique d'art alors proche des surréalistes Georges Limbour] : il travaille huit heures par jour à faire des additions et à vérifier dans une compagnie d'assurances. DESNOS emménage dimanche rue Thérèse. ANDRE [BRETON] EST TOUJOURS D'UNE GRANDE AMABILITE AVEC LE MONDE EXTERIEUR : CELUI-CI NE LUI REND PAS BEAUCOUP D'AMUSEMENT CONTRE SA POLITESSE. J'ai essayé du cinéma comme d'autres de la cocaïne. C'est un stupéfiant qui ne fait guère qu'endormir, outre qu'on peut tojours penser à autre chose avec l'ombre et la musique. FRANCIS PICABIA M'ECRIT DE CANNES POUR ME DEMANDER UNE PREFACE POUR SON LIVRE : sur une photo qu'il joint il est d'une élégance ! JE REÇOIS DE ROME UN MOT D'ÉLUARD, BIEN SENTIMENTAL. SON PORTRAIT PAR CHIRICO DOIT ETRE ACHEVE, il donne son adresse à Chamonix. Voilà les faits : grandes aventures pour cœurs ardents, solde (janvier 1924). Et surtout sur tous les grands magasins s'étale deux fois haut comme Citroën [Louis Aragon a encadré le nom de cette marque du logo aux chevrons de celle-ci] sur les boulevards le mot magique Blanc ou Blanc [il a calligraphié les mots « blanc » à l'image d'affichages publicitaires lumineux]. Blanc partout, mes beaux dominos. Un jour beau, un jour mauvais : tout cela est égal, singulièrement, n'est-ce pas ? Écrivez-moi, Denise, pour que je puisse vous écrire, sans ça... mais aujourd'hui je copierais bien pour vous des poèmes de La Quadrature de l'amour [recueil d'Henry Bataille] que j'ai relus hier et qui sont tout ce qui me distrait pour l'instant avec quelques vers de HUGO. Je n'ai pas le livre sous la main. Alors je vais aller me promener je ne sais trop où ni comment, tâcher d'apercevoir un personnage comme BENJAMIN PERET : c'est toujours ça. Tout va, voyez-vous comme si j'avais l'esprit entièrement dépossédé du reste de lui-même. Qu'est-ce qui s'est donc niché là ? Une sorte de petit animal destructeur qui saute incessamment d'un barreau à l'autre de la cage. On dit que le ministère va tomber. Mes amitiés à Georges... Allô ! J'écoute. » UN TEMPS PROCHE DES SURREALISTES, TRADUCTRICE D'ALLEMAND, DENISE KAHN (1896-1969) était la cousine de la première épouse d'André Breton, Simone, et fut successivement l'épouse du docteur Georges Lévy (1921) puis de l'écrivain, philosophe et sociologue Pierre Naville (1928). Elle milita ardemment pour diffuser les idées de Léon Trotski qu'elle fréquenta au début des années 1930. DENISE KAHN INSPIRA UN AMOUR FOU A LOUIS ARAGON QUI L'EVOQ