Beschreibung:

Claude VIGNON (1593 - 1670) Cérès transformant Ascalabos en lézard Toile 110 x 129 cm Vers 1635-1640. N° 231 du catalogue Pacht-Bassani, 1992. C’est tout le génie de ce grand narrateur en peinture que fut Claude Vignon que d’avoir donné la rare image de la déesse de fertilité de la Terre dans le moment où, recherchant nuit et jour sur les pentes volcaniques de la Sicile sa fille Proserpine enlevée par Pluton, elle s’arrête, assoiffée, devant l’humble masure d’une vieille femme lui offrant une boisson faite d’eau et d’orge mêlés. Devant les moqueries d’un jeune enfant riant de son avidité – Ascalabos - elle fait couler sur lui quelques gouttes de la boisson et le transforme en lézard. Tiré d’une légende contée par Nicandre et surtout reprise par Ovide dans le livre V de ses Métamorphoses , le sujet , très lié à un goût littéraire pour les effets de l’imagination et la puissance lyrique, permet à Vignon de faire preuve d’une touche vive et colorée et d’installer au centre même de la toile la suggestive figure de Cérès. L’éclat de jaune d’or de l’écharpe qui la ceint et qui se referme sur un pendentif ouvragé comme la remarquable élégance de la couronne d’épis de blé disposée autour de la tête gracieuse contribuent à installer dans l’espace l’immense séduction de la déesse. Le peintre, au meilleur d’un style lié à la puissance active du pinceau, maîtrise les vifs rehauts de pâtes, très solides et très bien conservés, qui « sculptent » les formes et les installent dans le grand mouvement du récit. L’insistance marquée sur le relief pictural constitué par les effets de résines enflammées qui coulent de la branche de pin allumée par Cérès « au feux de l’Etna », selon l’expression même d’Ovide, laisse penser qu’un pareil détail n’était point gratuit et permet d’envisager que la toile était destinée à prendre place au centre d’un décor de cheminée tel que les plus importantes demeures de la France de la première moitié du XVIIe siècle le proposaient . Ce qui expliquerait l’idée de couper quelque peu les personnages de façon à souligner l’intensité lumineuse d’une scène où surgit une déesse nimbée de l’éclat d’une torche. Jacques Thuillier écrivit à propos de Claude Vignon cet artiste aimé de Richelieu et ami de Rembrandt et de Hontorst, que si « l’on supprimait ces tableaux de la peinture française quelque chose d’essentiel viendrait à manquer. Peut-être une certaine richesse de couleur, et ces accords de tons saturés et de touches diaprées qui feront toujours la délectation de l’amateur véritable ». Nul doute que la Cérès transformant Ascalabos en lézard tient à cette superbe certitude.