Beschreibung:

Vue de la Porte Saint Martin Huile sur panneau Signé en bas à droite 22 x 27 cm Oil on panel, Signed lower right, 8,6 x 10,6 in. « Si vous tendez les bras, vos amis les couperont », prévient en avril 1920 Francis Picabia dans la revue Cannibale. Deux décennies plus tôt, il dédicace toutefois curieusement « A l'ami... ? » une toile peinte en bord de rivière, très vraisemblablement aux environs de la ville de Moret-sur-Loing. Des amis, l'artiste n'en a jamais manqué. Sa naissance au sein d'un foyer aisé, une éducation parisienne et une personnalité affirmée lui ont rapidement permis de côtoyer l'élite intellectuelle et artistique de son temps. Intime de Marcel Duchamp il conserve notamment, bien que longtemps exilé sur la Côte d'Azur, des liens particuliers avec Guillaume Apollinaire Gertrude Stein ou Jacques Doucet Convoitant lui-même la vie d'artiste - il commence à copier très jeune des tableaux appartenant à son père - il adhère et s'affirme au sein de plusieurs courants majeurs. Une soif continuelle d'émancipation le pousse néanmoins à successivement épouser puis débiner les dogmes du Dadaïsme et du Surréalisme. Ses propres travaux ne sont pas nécessairement compris et tolérés: «Picabia a fait trop de blagues avec ses tableaux! », ironise sur lui-même l'artiste en 1930, réagissant aux virulentes critiques dont il fait les frais. Toujours à l'affût du moindre signe d'avant-gardisme, horripilé à l'idée d'être rangé dans une case, les alibis sont pourtant nombreux pour justifier la complexité de son oeuvre. Ses Péniches sur le Loing (?) n'augurent toutefois ni son penchant pour l'abstraction, ni sa série des « Monstres » peinte dans les années 1920. Comment percevoir dans ce sujet, à travers la manière dont il est traité, le père des Cure-dents (Kunsthaus Zürich), de l'Adoration du Veau (Centre Pompidou) ? Si l'on se réfère exclusivement à ses travaux les plus célèbres, l'artiste apparaît, à l'aube de sa carrière, comme parfaitement conformiste: c'est par le biais de ses paysages qu'il met le pied à l'étrier. L'année de l'exécution de cette toile, c'est grâce à une Rue aux Martigues, exposée au Salon des indépendants, qu'il se fait remarquer. En 1901, c'est une Pointe du port, à Saint-Tropez qui confirme sa réputation. Cette petite portion de Méditerranée trahit cependant une donnée essentielle: à cette époque-là, le thème de l'eau lui est particulièrement cher. On entend, de ce fait, davantage les raisons qui, au crépuscule du dix-neuvième siècle, l'ont conduit à consacrer une toile entière au Loing, à ses flots tranquilles et à ses bateaux.C'est à la suite de sa rencontre avec Alfred Sisley en 1898, que Picabia effectue plusieurs séjours à Morêt sur Loing où réside l'auteur du Canal du Loing (Musée d'Orsay), explorant sa contrée, s'adonnant aux escales champêtres. Dans les premières années du vingtième siècle, Picabia s'essaye à un genre qui lui est inconnu. S'il ne néglige pas d'autres localités de la région parisienne - il termine en 1901 l'Institut, bords de Seine, l'année suivant La Seine à Poissy (collections particulières) - ce sont les bords de Loing qu'il favorise. Il leur consacre, en tant qu'élève posthume de Sisley, une décennie de sa palette: en 1908, il livre encore un Effet de lumière sur les bords de Loing (collection particulière). En conséquence, si la toile peinte en 1899 compte parmi les premières d'une grande série de paysages, elle peut également être observée comme un des derniers témoignages de la technique du peintre avant son adhésion à l'impressionnisme. Détonnant avec un art provocateur plus tardif, cette composition se pense comme une oeuvre de jeunesse: l'artiste a tout juste vingt ans. Semblable à l'instant de calme avant la tempête, elle évoque une retenue certaine, contrastant avec les travaux nés d'une collaboration d'un demi siècle avec différentes mouvances d'avant-garde. Il est finalement amusant de relever que, longtemps après les rives campagnardes du val de Seine peintes dans sa jeu