Beschreibung:

TZARA (Tristan). Dactylographie avec ajouts autographes, intitulée « Henri Rousseau et le théâtre ». [Vers mai 1947]. 14 ff. in-folio reliés en un volume, bradel de demi-percaline grise à coins avec filet doré en lisière de toile sur les plats, dos muet, coiffes et coins légèrement frottés (S. Jacques). Préface à l'édition des pi èces de th éâtre du douanie r Rousseau , paru en 1947, sous le titre de l'une d'entre elles, Une Visite à l'exposition de 1889 (Vézenaz, Genève, P. Cailler, collection « Écrits et documents de peintres »). Envoi autog raphe signé à son ami l'éditeur d'art Louis Broder, « très sympathiquement... le 28 nov. 47 ». Tristan Tzara propose une analyse des textes du douanier Rousseau constamment rapportée à sa personnalité et à son art, affirmant que leur lecture « contribuera à mettre en valeur le caractère d'authenticité, nécessaire et non intentionnel, de sa peinture, en serrant de plus près les conceptions qui en furent les fondements... » (p. 14). Il présente l'ingénuité du douanier Rousseau comme permettant de faire coexister simplification et complexité dans un « système fermé » qui « entraîne un plus intense développement d'une mythologie personnelle ». S'il concède que ses pièces présentent la structuration morale tranchée du mélodrame, il leur reconnaît cependant la vertu de donner une nouvelle fraîcheur aux poncifs de la littérature populaire. Tristan Tzara étend par ailleurs sa réflexion à l'art en général, portant au passage une critique contre les suiveurs du surréalisme accusés de produire un nouvel académisme. « ... Cette alternance de l'action, au début du premier acte de "La Vengeance" jette une lumière particulière sur la conception de maint tableau de Rousseau où l'événement est pris à l'état naissant, suspendu pour ainsi dire, à un fait ultérieur (La carriole de M. Juniet, Les joueurs de foot-ball, et en général les tableaux de la jungle)... On pourrait multiplier les exemples où la succession d'instantanés dans les pièces de théâtre de Rousseau donne une solution inusuelle au problème du temps et de l'espace... sans se soucier des exigences scéniques ni respecter les lois de la vraisemblance que, pourtant, Rousseau n'abolit pas entièrement. Il les modifie, en conformité avec son désir de synthétiser le mouvement, comme par ailleurs dans ses tableaux, il aborde ce problème sous son aspect figuratif traditionnel... Cette synthétisation qui, sous certains aspects, fait prévoir le découpage cinématographique, détermine, entre autres, le caractère moderne de son oeuvre, caractère par lequel il faut entendre la découverte de la nouveauté, de l'actualité valable et, par conséquent, authentique d'une époque... Rousseau a été un précurseur dans ce début du siècle où les promesses de la mécanisation vont de pair avec la découverte de la poésie dans l'actualité de l'objet usuel. De la lampe à pétrole de Rousseau à la guitarre, au journal, aux cartes à jouer et au paquet de tabac de Picasso, de Braque et de gris. Le chemin, à travers "l'esprit nouveau" d'Apollinaire et de Léger passe par la Tour Eiffel de Delaunay et ses Fenêtres, pour aboutir au futurisme... Dans les premiers pas de ce modernisme naissant, on décèle la tendresse pour l'objet familier, humble objet de tous les jours, l'objet pris dans sa totalité virtuelle et plastique. L'objet-sujet des cubistes contient, implicitement une charge affective qui l'accompagne, lui sert de support et constitue en somme son commentaire poétique. Il y a dans les pièces de Rousseau qui ont été conçues pour être jouées, une anticipation du cinéma qui ne résulte pas de la recherche d'une technique nouvelle, mais plutôt de celle de l'explication de la réalité au moyen d'une synthèse théâtrale qui, à certains moments, transgresse le cadre des indications scéniques et les possibilités de les réaliser... » (pp. 4-5)