Beschreibung:

Correspondance avec René Laporte depuis la prison de Riom. Sans lieu [Riom], 15 septembre 1943-7 mars 1944. 4 Lettres autographes signées Jean, 12 pages in-8. Émouvante correspondance adressée par Jean Zay au journaliste René Laporte depuis la prison de Riom. Avocat et homme politique, Jean Zay (1904-1944) fut ministre de l'Éducation nationale et des Beaux-Arts du gouvernement Blum. Son nom reste attaché aux grandes réformes scolaires de 1936-1939 et à sa conception démocratique et humaniste de l'enseignement et de la culture. Embarqué avec d'autres parlementaires sur le Massalia, Jean Zay fut arrêté à Casablanca pour désertion - il était mobilisé sur le front - et rapatrié en métropole. Jugé et condamné à la prison à vie, il fut incarcéré en 1941 au quartier spécial de la maison d'arrêt de Riom, puis assassiné le 20 juin 1944 par les miliciens de Joseph Darnand, collaborateur supplétif de la Gestapo. Sa mémoire fut réhabilitée par la cour d'appel de Riom, qui annula sa condamnation: certaines des idées auxquelles il tenait - comme la création d'une école nationale d'administration - inspirèrent les réformes du GPRF après la Libération. Écrivain, poète et journaliste, René Laporte (1905-1954) dirigea entre 1924 et 1934 les éditions des Cahiers libres et la revue éponyme. Réfugié à Antibes pendant l'Occupation, il poursuivit avec Léon Pierre-Quint la publication des éditions Kra, frappées d'interdiction. Stoïque, doté d'un optimisme inébranlable, Jean Zay analyse avec clairvoyance les conditions d'un renouveau politique. À la suite de divers événements, ma condition matérielle s'est un peu aggravée récemment. Comme aux mauvais jours des dix-huit premiers mois, (...) ma claustration est redevenue presque totale. (...) mon épreuve (...) m'a beaucoup appris et d'abord sur moi-même. (...) Je serais insensé de me plaindre. Je sais maintenant ce qui a un sens et ce qui n'en a pas. (...) Les fils se renouent peu à peu et la vie renaître. (15 septembre 1943). C'est toujours une sensation pénible, presqu'un avant-goût de la mort, que de se sentir retranché du monde et de soupçonner la vie qui continue, invisible, sans vous (encore qu'on y découvre la vraie mesure de notre importance individuelle). (...) on souffre de se sentir impuissant, inutile, absent. (15 février 1944). Zay ne perd cependant jamais la perspective de lendemains qui chantent, comme ici trois mois avant son assassinat: Malgré un nombre croissant de restrictions et de gênes dans mon existence quotidienne, un isolement rendu presque total et des circonstances locales agitées, souvent dramatiques, la patience reste facile, dans la certitude du printemps. Les bons acteurs aiment à se faire désirer. (7 mars 1944). Le rôle des valeurs et des intellectuels en politique dans l'avenir. La seule question vitale est celle-ci: La France trouvera-t-elle les hommes et les âmes dont elle aura besoin ? Refaire la France est surtout un problème moral, comme refaire l'Europe, étant entendu que la moralité à laquelle nous croyons ne se conçoit pas en dehors d'un cadre, d'une atmosphère, dont tous comprennent à présent la valeur. (...) Il faudra remoraliser, exactement reviriliser, apprendre une méthode, réapprendre la dignité et le respect, exhumer ce sens de l'autorité plus nécessaire dans les régimes de liberté que dans les autres. (...) Comment y parvenir ? (...) Je crois qu' il y faudra une action cohérente et méthodique, exercée dans tous les domaines, action qui suppose au pouvoir une pensée élevée et vaste, une clairvoyance, une rigueur, une vraie clarté. (...) Or les textes législatifs, le meilleur fonctionnement des assemblées ou des gouvernements, les initiatives quotidiennes d'un ministère de la propagande (mot affreux, à proscrire) ou de l' information (mot insuffisant), l'effort vers une véritable éducation nationale, seraient plus que jamais impuissants si les consignes nécessaires ne venaient pas de quiconque émerge, et surtout des écrivains, des dramaturges, des journalis