Beschreibung:

ARAGON (Louis). Lettre autographe signée de son initiale « L. », adressée à Denise Kahn. Commercy (Meuse), [septembre ou octobre 1924]. 1 p. 1/4 in-folio, en-tête imprimé du Café de la paix à Commercy. SUPERBE LETTRE. « Non, Denise, ce mot vient encore de Commercy, mais ne m'y écrivez plus. Je serai mardi à midi à Paris, et si vous voulez me parler avant que je rentre à Neuilly, seulement vers le soir, envoyez-moi votre lettre rue Fontaine : je l'y trouverai en arrivant, et je saurai que je ne me suis pas éloigné de vous vraiment. Hier, mon courrier qui est tout mon événement se composait d'un mot de Baron [le poète Jacques baron], qui part pour Buenos-Ayres, et qui sera à Paris mardi, c'est pourquoi mon départ est avancé de deux jours ; et avec ce mot il y avait UN LIVRE QUE M'ENVOIE ANDRE [BRETON], LES MANIFESTES DE [TRISTAN] TZARA [Sept manifestes dada, Paris, Éditions du Diorama, 1924]. DROLE, DROLE DE LIVRE, QUE JE CONNAISSAIS TOUT ENTIER, COMME LE DIRAIT AVEC LA MEME ILLUSION UN MARIN DE TOUTE LA MER. Je vous l'enverrai de Paris. Je me suis ennuyé comme un fou hier, malgré ce livre, qui n'y a tenu qu'un pauvre moment. Je croyais à mon tour que je vous avais écrit une sottise, une offense. Pourtant ce que je vous dis n'est qu'un décalque de ma pensée, sans nul détail. Et comment même ce que je pense pourrait-il être blessant, sans nul détail. Et comment même ce que je pense pourrait-il être blessant pour vous. Puis votre lettre est arrivée, c'est dimanche, et voilà un nuage parti. IL Y A UN GRAND VACARME VULGAIRE DANS LE CAFE D'OU JE VOUS ECRIS. Je viens d'écrire à [GEORGES] AURIC, c'est-à-dire un peu à vous, à cause, vous savez, de cette plaisanterie, ce projet de Strasbourg autrefois. On joue au billard avec des exclamations. Il y a des soldats. Une bande de garçons qui s'est costumée en noce, et plusieurs avec des chapeaux de femmes et un maquillage mal fait qui a l'air de maladie de peau. Il y a des collégiens en casquette, et une seule femme qui chantonne en balançant son pied, et ça ne fait jamais un air véritable. Et moi avec votre lettre devant moi, et ma lettre, et ma grande faiblesse, et tout le reste que vous savez bien... » UN TEMPS PROCHE DES SURREALISTES, TRADUCTRICE D'ALLEMAND, DENISE KAHN (1896-1969) était la cousine de la première épouse d'André Breton, Simone, et fut successivement l'épouse du docteur Georges Lévy (1921) puis de l'écrivain, philosophe et sociologue Pierre Naville (1928). Elle milita ardemment pour diffuser les idées de Léon Trotski qu'elle fréquenta au début des années 1930. DENISE KAHN INSPIRA UN AMOUR FOU A LOUIS ARAGON QUI L'EVOQUERAIT SOUS LES TRAITS DE BERENICE DANS SON ROMAN AURELIEN (1944).